22.11.12
Je sais qu’en affirmant cela et avec un titre pareil, je vais apparaître comme corporatiste et provocateur et que cela va faire fuir certains de mes lecteurs. MAIS j’espère que certains d’entre vous mesureront mieux la difficulté grandissante de ce métier de par sa complexité, de l’exigence et de l’agressivité de nos clients.
Si vous pensez que :
- Votre syndic est un quasi contrôleur des impôts (obligatoire et dont on se passerait bien),
- Il faut payer des charges souvent inutiles (oh la la !!!je n’avais pas prévu autant de charges courantes et pas du tous ces travaux dans mon plan de trésorerie),
- On n’arrive jamais à le joindre (car tout le monde veut lui parler le lundi dès qu’il ouvre le standard pour lui faire partager ses soucis du week-end),
- Il doit toucher des pots de vins des entreprises qu’il fait travailler (en plus elles sont nulles avec des ouvriers qui ont la moitié d’un cerveau),
- Il réagit toujours avec retard (vous comprenez il doit aussi s’occuper de la peur du voisin, des clefs perdues, des cambriolages, de l’entreposage d’affaires personnelles dans les parties communes…),
- En plus on ne comprend rien à toutes ces résolutions obligatoires et tous ces textes…qui doivent cacher leur incompétence.
Alors cet article est pour vous et que pour vous.
En premier, j’ai envie de vous dire :
– que nous ne sommes pas les concierges qui doivent contrôler si les lampes sont tombées en panne. Nous ne sommes pas non plus la police de votre immeuble, ni l’assistante sociale, ni la personne responsable du comportement de vos voisins. Pour tout cela nous n’avons aucune responsabilité, ni mission.
La loi nous demande de tenir les comptes, d’exécuter les décisions de l’assemblée générale et d’entretenir l’immeuble…et en plus cette loi sous la pression des consommateurs qui doivent tout avoir tout de suite et gratuitement, change chaque année pour devenir de plus en plus complexe sur des points importants mais aussi sur des points dont personne ne se plaint sauf peut être le député sous la pression bienveillante d’une association ou d’un lobbyste.
– que nos amis fonctionnaires qui préparent notre législation ne comprennent rien à nos métiers et ont souvent fait voter des textes inapplicables . La meilleure ayant été pour moi la première mouture de la tva à 5.5% mais là aussi nous n’y pouvons rien.
Donc il faut vous y mettre vous aussi pour comprendre nos comptes et la législation car je ne peux la comprendre à votre place, ni vous l’expliquer si vous n’en n’avez pas envie.
La deuxième chose sur laquelle je veux vous interpeller est ce que je nomme l’épaisseur de la réalité :
Cela concerne les copropriétaires peu présents, qui ne vous avertissent pas quand ils ont un locataire, locataires qui ne vous rappellent pas, les difficultés de paiement des propriétaires en train de divorcer ou qui n’avaient pas prévu dans leur budget les charges de copropriétés, les artisans qui sont débordés , ne font pas les devis et n’exécutent pas les commandes que nous avons passées… cela c’est notre métier, nous nous devons de le suivre mais c’est souvent pénible et chronophage.
En troisième, il est difficile de tirer par le haut la qualité de nos prestations et des travaux à réaliser dans les immeubles car il y a toujours un cousin, une connaissance qui travaille « bien » et qui peut faire la peinture pour moins cher, ou un cabinet de syndic qui vient de se créer dans lequel le patron fait tout, tout seul à bas prix car il a besoin de se sortir un salaire de 1500€ et travaillent 80 heures par semaines pour sortir ce salaire.
J’ai été ce jeune du coin de la rue et je ne lui en veux pas mais c’est vrai que nous sommes dans un marché très très concurrentiel et tiré vers le bas, comme beaucoup…je le sais aussi mais nous n’y pouvons là aussi rien.
La quatrième difficulté est de recruter, de former et surtout de conserver des gestionnaires de qualité.
Votre gestionnaire doit avoir un champ de compétence très vaste. Il doit tout savoir sur la technique, le social, la psychologie, le juridique, les assurances et on exige souvent de lui qu’il réponde de suite avec non pas une solution mais LA solution que certains copropriétaire veulent entendre…
Chez Foncia à l’époque où j’y travaillais, (mais je crois que les choses n’ont pas changé) l’ancienneté moyenne d’un gestionnaire était de 18 mois. Pourquoi un gestionnaire copropriété ne reste-t-il pas plus de 2 ans sur son poste? car le ratio temps de travail+connaissances+compétences+ complexité du métier+agressivité de notre environnement rapportée à la reconnaissance client n’est pas au rendez-vous (cf l’article « syndic : un jour Héros, un jour zéro » rédigé par un membre de mon équipé sur le sujet). Comment voulez-vous gérer une copropriété à long terme dans ces conditions ?
Pour mes contrats de syndic sur Marseille, je facture en moyenne 126€ HT par lot et par copropriétaire soit TTC 150€ pour des honoraires de base sans compter les autres frais de photocopies, les vacations, les timbres etc…
Souvent quand je fais un peu de provocation, je dis que je pourrais vendre cette activité sans que cela me coûte quoique ce soit car cela ne me rapporte rien.
C’est un peu vrai car financièrement, la marge de cette activité doit être pour moi de 1 à 2%.
Mais cela me coûterait quand même car j’aime faire cette activité de fou, j’aime cette complexité relationnelle et surtout ce métier m’apporte et nourrit ma société de contacts que je transforme en clients en gestion locative et en transaction.
Aujourd’hui un des deux plus grands groupes national de syndic propose 12€ TTC par lot et par mois soit 144€…cela certainement pour compenser les copropriétés qu’ils perdent tous les mois et à tour de bras.. Cette course sans fin du prix le plus bas n’aboutit qu’à décrédibiliser un peu plus ce métier et ceux qui comme moi, continueront de le faire encore pendant des dizaines d’années, je l’espère.
Le métier de syndic m’a coûté beaucoup d’argent pendant des années. Aujourd’hui il me coûte beaucoup d’énergie, me passionne et me révolte en même temps.
J’espère que si vous vous êtes reconnus dans les premières lignes vous aurez un peu changé sur la manière de voir notre métier. Pour les Marseillais, qui resteraient encore sceptiques ou les journalistes qui voudraient vivre notre métier, je les invite volontiers à venir partager une semaine en ma compagnie et celle de notre équipe syndic.
Stéphane Pujol
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